LA LETTRE DU GOSHIN BUDOKAI Printemps 2002
diététique et art martial
En matière de diététique
les erreurs sont légion. Quand manger ? Que manger ? Quelle
quantité ? Fondamentalement, les réponses sont simples. Les repas,
équilibrés (15% de protéines, 35% de lipides et 50% de glucides ;
chiffres légèrement modulables selon les besoins), qualitatifs
(évitons les produits industriels et cuisinons avec soin des aliments
bien choisis) et frugaux (manger à satiété est le piège dans lequel
sombrent les épicuriens avec à la clé obésité et affections
cardio-vasculaires), devraient toujours être pris à heures fixes et les
grignotages intermédiaires
totalement bannis. Seulement, voilà ! la vie moderne nous impose
souvent des entorses à ces principes. Sans même évoquer les contraintes
professionnelles,
les horaires fluctuants des séances d’entraînement rendent la gestion
des heures de repas difficile. Toutefois, avec un peu de rigueur et de
logique, il
est possible de ne pas trop s’écarter de l’idéal théorique.
La
mémorisation des chiffres 3 et 8 doit permettre d’organiser nos repas
de façon efficace.
3
heures : c’est le
temps moyen nécessaire à la digestion des aliments (temps passé dans
l'estomac), mais des différences substantielles doivent être
connues :
un jus de fruit s'assimile en vingt minutes, un cassoulet en cinq à
huit heures. Conséquence :
il est
impératif de ne pas prendre un repas classique dans les trois heures
qui précèdent
l’entraînement. En effet, la digestion mobilise une forte proportion du
sang circulant dans l’organisme ; celui-ci n’est donc plus
disponible pour le
transport de l’oxygène vers les muscles ou le cerveau, ce qui
occasionne des déficiences extrêmement gênantes.
Certains auteurs ajoutent que les aliments qui ballottent dans
l’estomac ou les intestins risquent de léser ces organes.
« Mais on ne peut
pas être performant avec le ventre vide » rétorque une opinion
largement
répandue. Pour couper court à cette croyance, quelques connaissances
physiologiques sont nécessaires : pour fournir un effort, le
muscle
utilise le glycogène qu’il a mis en réserve et, si l’effort est soutenu
longtemps, il ira puiser dans les réserves de lipides (graisses). Or,
la transformation des glucides contenus dans les aliments en glycogène de
réserve prend du temps : 8
heures, c’est notre deuxième chiffre à retenir. Inutile, donc, de se
gaver avant l’effort ; ça ne sert à rien. Au contraire, on l’a vu, c’est
une gêne pour l’effort musculaire. Et si l’on a faim, il suffit de se dire
qu’on mangera mieux après. D’ailleurs, le budoka qui surmonte cette
envie est sur la
voie de la maîtrise de l’esprit (shin), un des trois critères
qui permettent
d’évaluer le niveau du budoka. La maîtrise des contingences est
une étape dans la formation d’un esprit fort (goshin).
La France est
le pays de la gastronomie, pas de la diététique. Le budo vient
du Japon ; le budoka
serait fort inspiré en adoptant une alimentation proche de l’exemple
japonais. Sans doute est-ce le seul pays où la nourriture
traditionnelle, compromise par l'invasion de la malbouffe et de la
restauration rapide, est réellement équilibrée.
Et si l’on ne souhaite
pas se mettre à l’heure japonaise, quelques règles simples éviteront de
commettre trop d’erreurs.
Variez votre
alimentation ; ainsi vous serez sûr de ne manquer de rien :
glucides, protéines, lipides, vitamines, oligo-éléments, etc.
Environ cent grammes de
protéines sont suffisants chaque jour. Nous en consommons couramment
quatre ou
cinq fois plus, ce qui est dispendieux et parfois nuisible. De nombreux
sportifs ressentent des douleurs articulaires pendant
l’entraînement ; la
diminution de la ration protéique (surtout viande et charcuterie) est
souvent ressentie comme le remède miracle.
Les lipides sont également trop abondants dans la
nourriture habituelle en occident. Voici une méthode simple pour
évaluer leur éventuelle surabondance. Formez entre vos
doigts un pli de peau à l'endroit où vous avez tendance à stocker la
graisse : ventre, fesses, etc. S’il mesure plus de deux à
trois centimètres d’épaisseur, vous devrez restreindre leur
consommation. Dans tous les cas, ne supprimez
jamais complètement les lipides, contentez-vous d'en réduire la
quantité en respectant approximativement les
proportions conseillées de protéines, lipides et glucides.
Les glucides transformés en glycogène
constituent le principal carburant des muscles. Imaginez donc combien est lourde de
conséquences l’erreur qui conduit certaines personnes désirant maigrir
à ne consommer ni pâtes, ni riz, ni pain, ni féculents (les sucres
lents). Sans eux,
aucun effort soutenu n’est envisageable ; or la disparition des
accumulations graisseuses ne se réalise que lors d’efforts prolongés.
De plus ces aliments contiennent des fibres indispensables au bon
fonctionnement du transit intestinal.
En revanche, on modèrera
sans hésitation la consommation des sucres rapides qui s’insinuent
partout dans
notre alimentation : desserts, pâtisseries, chocolats, bonbons,
sucre dans le café, le chocolat ou le thé, sodas, grignotages divers. En
excès, l'organisme les stocke sous forme de graisse. Les supprimer
totalement n’entraîne aucun inconvénient. On peut éventuellement les envisager
comme apport glucidique de l’effort au début, au milieu, voire à la fin d’un
entraînement ou d’une épreuve. Ils sont à éviter dans l’heure qui
précède l’effort car ils peuvent provoquer une hypoglycémie réactionnelle
préjudiciable à l'effort physique.
Pour clore l’exploration
de nos besoins alimentaires, il convient d’évoquer la boisson. Une
précision : la seule véritable boisson, c’est l’eau ; les
autres liquides sont à considérer comme des aliments puisqu'ils amènent des
calories. Certains boivent trop ; en
général, ce n’est pas de l’eau. La plupart des autres ne boivent pas
assez. Nous avons besoin d’environ deux litres d’eau par jour. Quand l’apport
hydrique est inférieur, l’organisme fonctionne mal. Ajoutons que, par
température élevée,
nous transpirons beaucoup plus et que l’activité physique accélère
encore cette perte d’eau. Par 30 degrés, une heure d’entraînement peut nous faire
perdre deux litres de sueur supplémentaires.
Il faut boire
avant, pendant et après l’effort. Au dojo, respectez tout de même
l’étiquette ; n’allez pas boire au milieu d’un exercice.
Une boisson,
typiquement française, doit-être évoquée : le
café au lait. D'une part, la caféine perturbe la digestion du lait,
d'autre part, en vieillissant, la plupart des gens ne disposent plus des
enzymes nécessaires à la digestion du lait. La grande majorité ne
s'en rend pas compte sauf ceux qui tentent des exercices physiques
dans les deux heures qui suivent. à
l'entraînement du samedi matin, on peut facilement désigner ceux dont
le petit
crème est le péché mignon. Donc, si vous êtes un adepte de cette
tradition nationale et que vous ressentez une gêne lors de
l'entraînement matinal, le remède est simple à trouver.
« On est foutu, on
mange trop » proclamait un chanteur en vogue, il y a quelques
années. Pourtant, à l’aune de l’obésité, la France, si elle enregistre un net
accroissement des cas de surcharge pondérale, est loin des inquiétants
scores réalisés par les américains ou certains
de nos voisins européens qui atteignent les 40% d’obèses.
Un célèbre
aphorisme nous prescrit de « prendre un
petit déjeuner de roi, un déjeuner de prince et un dîner de
pauvre ».
Saine conduite qui permet d’éviter la fringale en fin de matinée,
prétexte dévastateur au grignotage. Le soir, l’idéal serait de se coucher
lorsque la digestion du dîner est terminée, le sommeil étant plus réparateur dans
ces conditions. Toutefois attendre 2 ou 3 heures quand on a dîné tard est
irréalisable.
Or il nous arrive souvent de finir l’entraînement vers 22 heures. Dans
ce cas, il est impératif de se limiter à un très léger repas, contenant très
peu de
matières grasses (les lipides peuvent séjourner jusqu’à 8 heures dans
l’estomac), pour ne pas troubler le sommeil qui suit. L’appétit n’en
sera que meilleur le matin venu.
Restent les cas où
l’horaire ne permet pas de se conformer aux principes de base :
effort matinal sans possibilité de déjeuner trois heures avant, entraînement
ou épreuve se déroulant sur une journée complète, etc. Dans ces
situations, il
convient de n’absorber, par petites doses régulières, que des aliments
d’apport
énergétique tels qu’en proposent tous les magasins spécialisés dans les
activités sportives. Dès que possible, on reviendra aux principes
fondamentaux de la diététique.
Tournedos Rossini,
cuissot de chevreuil Grand Veneur, escalope normande, paupiettes de
soles, omelette
norvégienne ,… Tout cela est donc interdit au budoka ?
Non, bien
sûr ! Mais il faut apprendre à harmoniser les plaisirs du palais
avec la satisfaction de rester performant.
Sakura sensei
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